Les choses simples

5.7.07

Les choses prévues et imprévues

Mercredi soir

Je suis rentré à la maison avec la ferme intention de faire un petit footing.
Pendant le trajet, ma motivation s’est lentement évanouie et après avoir déposé mes affaires, je n’y croyais plus vraiment.
J’ai eu Sandrine au téléphone à qui j’ai fait partager ma faiblesse tout en laissant planer le doute, il n’était pas encore trop tard pour aller courir. Sandrine m’a répondu un truc du genre, « faignant comme tu es, je suis sure que tu seras là quand je rentrerais ». Cette réflexion, sûrement anodine, a touché ma sensibilité et cinq minutes après, j’avais enfilé mon short et mes baskets, prêt à partir. Dans une sacoche, j’ai mis mon ARCHOS, mon téléphone et mes clés, j’ai posé mon casque sur mes oreilles avec le dernier album de Placebo à fond, enclenché le chronomètre et je suis parti.
La sacoche me gênait, elle sautait à chaque foulée. D’une main, je l’ai collée contre ma hanche mais du coup, je courrais en ne bougeant qu’un seul bras. Je l’ai alors tenue dans la main.
Les oreillettes cognaient contre le casque. J’entendais donc un tempo en plus à chaque nouvelle foulée, c’était assez agaçant. Malgré la joie d’écouter de la musique, malgré la sensation de courir en rythme, d’oublier son souffle, le bruit de ses pas, j’ai un peu regretté d’avoir emporté cet attirail. C’est sûr, si j’avais eu des écouteurs et un Ipod Shuffle, les choses auraient été différentes, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie !
J’ai descendu la rue du 11 novembre pour attraper les Bords de Marne du côté de la caserne des Pompiers. J’ai couru un peu plus loin que le Centre des Bords de Marne du Perreux et j’ai fait demi-tour pour essayer d’intercepter Sandrine à l’arrêt de bus. Elle n’y était pas. Je l’ai appelée. Un 113 était arrêté au feu, juste devant moi. Sandrine décroche et me dit : « je suis dans le bus, juste devant toi » et en effet, je la vois à un mètre de moi, derrière la vitre, accrochée à son téléphone. Elle est descendue à l’arrêt suivant. En me voyant arriver vers elle ne courant, avec mon casque sur les oreilles, ma sacoche à la main, elle n’a pas pu s’empêcher de sourire et de me dire sur un ton ironiquement admiratif : « T’as un sacré style ! »

Nous sommes rentrés à pied. Sur le chemin, Sandrine m’a raconté les mouvements, ragots et problèmes de son boulot.

Nous avons mangé assez rapidement puis nous sommes descendus à la cave pour faire un peu de rangement et la vider à l’approche du ramassage des encombrants. Notre stock de boissons (Cidre, Poiré, Champagne, Jus d’orange, Bières, Coca-Cola) a dû déménager de son armoire blanche (qui était un ancien meuble de salle-de-bain de Stéphane quand il vivait avec Séverine…) vers un meuble en bois (qui était un ancien meuble aux parents de Sandrine, qui nous avait bien servi au début, en supportant nos CD et DVD, derrière le canapé).
J’ai transporté l’armoire sur le gazon devant chez nous puis je me suis attaqué au réfrigérateur-congélateur (dont la fonction frigo n’a jamais fonctionné mais qui nous servait de congélo avant qu’on achète le notre). Je l’ai posé sur le diable (qu’on a piqué au père de Sandrine depuis notre déménagement) et j’ai bien galéré pour le manœuvrer par l’ouverture qui sépare la cave du garage et pour l’emporter jusqu’au gazon. J’ai redemandé à Sandrine si elle était sure que nous avions bien le droit de le déposer pour les encombrants. Elle m’a répondu : « J’ai demandé à mon père et il a dit qu’il n’y aurait pas de problème ». C’était convaincant car sur le sujet, je crois que son père s’y connaît mieux que nous.
Pendant que je me faisais les muscles sur le congélateur, Sandrine en a profité pour ranger la cave et se projeter dans l’avenir : des étagères ici, des étagères là, les bouteilles ici, les conserves là, les papiers par ici, les souvenirs du mariage en évidence par là… Dans sa tête, ça le faisait grave. Moi, j’imaginais aussi un petit bureau, une lampe de chevet et des heures à écrire, seul, au calme, au frais…
On pourrait peut-être faire les deux mais s’il y a à boire et à manger, un jour Sandrine me descendra aussi un matelas et me demandera un loyer pour la cave…

De retour à la surface, j’ai pris une douche et Sandrine s’est lancée dans un moment de ménage imprévu. C’est parti d’une tâche qu’elle a vu dans le bureau pour devenir : faire une lessive, ranger les fringues repassées, ne rien laisser trainer, passer l’aspirateur partout, faire un peu les poussières dans la salle-de-bain…
J’attendais les Pinto pour la forcer à se reposer un peu mais Laetitia a téléphoné pour dire qu’ils ne pourraient pas venir. Sandrine n’a pas sauté sur l’occasion pour faire le ménage à fond et tant mieux pour moi.
Tout ça n’a pris que vingt minutes mais quand elle est comme ça, j’ai parfois peur que ça se transforme soudain en ménage de printemps. Même si c’était vrai qu’il fallait peut-être faire quelque chose…

Nous avons regardé un épisode de Dexter puis nous nous sommes couchés, profitant de cette soirée imprévue pour récupérer les heures de sommeil manquantes.

Dans la soirée, avant de descendre à la cave, le portable de Sandrine a sonné nous rappelant que c’était l’anniversaire de Gil, le copain de Carine (la cousine de Sandrine qui vit à côté de Porto). Nous l’avons appelé sur son portable et Sandrine m’a laissé le téléphone : « C’est plus drôle si c’est toi qui lui parle… » Nous lui avons chanté un joyeux anniversaire moitié en portugais, moitié en français, et il a ensuite prononcé une phrase que je n’ai pas du tout saisie. Pris de panique, j’ai plaqué le combiné contre l’oreille de Sandrine qui, étrangement, s’est débrouillé plus facilement que moi en portugais.

Pendant que nous regardions Dexter, un coup de vent qui s’est faufilé dans notre cage d’escalier a fait bouger la porte et nous a fait sursauter. Quelques minutes plus tard, un nouveau coup de vent (enfin je crois…) nous a donné l’impression que quelqu’un était en train d’essayer d’introduire une clé dans la serrure. Je me suis levé, j’ai regardé le palier vide par le judas, j’ai haussé les épaule vers Sandrine : « Il n’y a rien. Ce n’était rien, juste le vent sans doute ! » Elle a regardé d’elle-même puis a fermé la porte à clé, ce que nous ne faisons jamais.

C’était le bon jour pour un sérial killer, le ménage venait d’être fait et il y avait de la place à la cave.