Les choses simples

2.8.07

Sous surveillance

Mercredi

J’ai à nouveau changé de bureau, pour la neuvième fois en deux moi et demi.

Je me suis retrouvé en face de F.
Il est dans une période de révolte contre l’entreprise qui nous embauche, trouve qu’il y a trop d’injustices, dit qu’il ne peut pas supporter cela, qu’il n’est pas du genre à fermer sa gueule et qu’il attend avec impatience la fin du mois pour se barrer d’ici.
Il a l’impression qu’on le surveille, son ordinateur, ses faits et gestes, le nombre de dossier qu’il saisit, ses temps de pause. Du coup, il n’en branle pas une, va sur Internet, n’est presque jamais à son poste et prend le temps de fumer ; pour leur donner une bonne raison de le faire chier. Il sifflote, regarde par la fenêtre. Il essaye de m’en parler, de se confier mais comme je suis un petit bouffon, je ne m’implique pas, je ne lui donne pas mon avis, je ne fais qu’acquiescer bêtement.
Pour ma part, tout se passe bien. Je m’entends bien avec les gens, je me sociabilise, je fais mes heures, je rentre tôt et je touche ma paie, rien de plus, rien de moins.

Le midi, comme presque tous les midis, je suis allé au square Louis XVI pour manger ma petite salade préparée avec amour par Sandrine et regarder un épisode de Grey sur mon ARCHOS. La moitié du jardin était fermée au public car ils étaient en train de tourner un film, ou en tous cas de préparer le tournage. Il n’y avait que des jeunes dans l’équipe mais impossible de savoir qui étaient les acteurs.
Je me suis donc installé dans la moitié ouverte du square au milieu de pas mal de monde, dont un mec juste à côté de moi qui avait tendance à me fumer dans le nez. Je ne lui ai rien dit parce que je ne suis pas comme ça et aussi parce que je me suis dit qu’on empêchait déjà les fumeurs de fumer dans les lieux publics, dans les boîtes, dans les bars, je n’allais pas être celui qui allait les empêcher de fumer dans les squares, à l’air libre…

Le soir, je suis allé aux Arcades. J’ai récupéré mon costume au pressing et je suis passé à la Générale d’Optique. La jeune fille qui m’avait reçu pour mes lunettes était là. Elle m’a rejoint au comptoir.

Moi : Je viens vous voir parce que j’ai cassé mes lunettes.
Elle (me regarde ; je porte mes nouvelles montures) : Ah…
Moi : Pas celles-là bien sûr, les anciennes. Je me suis pris une porte. (Je ne sais pas pourquoi je ne lui ai pas raconté la vérité, je ne sais pas pourquoi j’ai préféré lui inventer cette histoire de porte dans la gueule plutôt que celle de la raquette de badminton que je me mets moi-même en pleine figure. Peut-être parce que le premier cas, je n’y suis pour rien et que du coup, je peux plus facilement faire mon malheureux). Une porte, du côté gauche. (Je sors mes lunettes et lui présente ses blessures attendant son diagnostic).
Elle (s’exclame) : Ah oui, quand même !
Moi : Oui, ça fait mal, je peux vous le dire…
Elle (observe les lunettes avec minutie) : Bon, apparemment, il n’y a que le verre qui a pris. Vous voulez le remplacer ?
Moi : Oui, oui… enfin, je ne sais pas, j’avais pris une garantie ?
Elle (vérifie sur son ordinateur) : Non. Ni pour celles-là, ni pour les autres. Du coup, là, pour commander et monter ce verre, ça vous fera un total de 58 €.
Moi (me disant qu’à l’avenir, j’allais finalement jouer sans mes lunettes) : Ok.
Elle (m’installe sur un petit bureau et me prie de patienter) : Je vais voir ce que je peux faire pour le prix. (Elle disparaît derrière une porte au fond de la boutique et revient quelques secondes plus tard). Bon, je vous fais 50 % sur le verre.
Moi (surpris) : Merci, c’est gentil.

Elle a donc passé commande pour mon nouveau verre qui n’arrivera que le 14 août.

Moi : C’est quand même bizarre cette paire de lunettes que j’ai depuis deux ans, qui n’a jamais rien eu et qui se casse quelques jours après avoir récupéré une seconde monture.
Elle : Oui, surtout que ce soit celle-ci que vous ayez portée quand vous avez pris cette porte.
Moi (sentant qu’elle n’a peut-être pas cru mon histoire) : C’est vrai mais j’avais du mal à m’habituer à ma nouvelle paire.
Elle : Je comprends, elles sont particulières, à cause de leur forme incurvée.

Je suis rentré à la maison et j’ai attendu que Sandrine m’appelle en regardant un nouvel épisode de Grey (j’arrive à la fin de la saison 2…). Je me suis ensuite souvenu que son père avait dû la prendre pour faire le tour des encombrants afin de récupérer des planches pour faire nos étagères à la cave. Je suis donc descendu vérifier. Dans le garage, la voiture n’était pas là mais il y avait en effet de nombreuses planches. Le père de Sandrine l’avait gardée, trop crevé pour rentrer à pied de chez nous à chez lui ; il n’a plus 20 ans…

J’ai préparé à manger pour que tout soit prêt à l’arrivée de Sandrine. Enfin, préparer à manger, hier soir, consistait à mettre la table et faire chauffer de la soupe, donc je n’ai aucun mérite. Mais j’ai aussi fait un gâteau au yaourt. Le même que celui de Sandrine la semaine dernière. Je n’avais pas vraiment confiance en moi mais je m’en suis pas mal sorti. Je n’avais pas mis assez de levure donc il était plus plat que le sien et au lieu de mettre un zest de citron pour donner du goût, j’ai versé une cuillère à soupe, ce qui a donné un gâteau au yaourt et au citron.
Avant l’arrivée des amis, nous avons regardé les deux épisodes de The Nine de dimanche dernier.

Stéphane et Ludivine sont arrivés les premiers. Les Pinto, un quart d’heure plus tard peut-être. Nous avons pu voir Alexia qui commence à se tenir debout avec l’aide de la table. Ce n’est pas encore parfait, mais c’est en bonne voie.
Nous avons raconté notre week-end et montré les photos en les projetant sur la télé.
Les Pinto avaient ramené une bouteille de cidre que, comme d’habitude, Laetitia et moi, nous avons sifflée presque seuls.

Micaël qui commençait son premier jour de vacances s’est endormi au bout d’une demi-heure et a tranquillement ronflé jusqu’à leur départ, vers minuit. Là, alors que Laetitia avait sa fille endormie dans les bras, il avait soudain retrouvé la forme.
En fait, les soirées du mercredi lui font du bien. Il voit ses amis, vérifie qu’ils sont en bonne santé puis s’endort et se repose. C’est une parenthèse dans sa semaine trépidante.

Après leur départ, j’ai bordé Sandrine et fini mon livre.

Aujourd’hui, F. est encore très remonté contre tout le monde. Il a décidé d’en faire encore moins qu’hier.
Une dame de l’informatique est venue lui demander si elle pouvait regarder quelque chose sur son poste. Elle lui a dit qu’elle devait noter le numéro IP de son ordinateur. Il a demandé pourquoi. Elle a répondu que c’était juste parce qu’on le lui avait demandé. Et cinq minutes plus tard, F. perdait son accès Internet.
Il a ricané et est parti fumer une clope me disant qu’il s’en doutait, qu’ils étaient tous sournois ici et qu’heureusement, il avait pris soin d’effacer l’historique et les cookies sur son poste comme ça ils ne pouvaient rien contre lui.
On dirait des enfants. L’entreprise et le salarié qui se chamaillent. Dans quel but ? Personne ne sait, pas même eux.