Les choses simples

14.8.07

Vivre, aimer, écrire.

Lundi

Un timing parfait entre Nanterre et La Madeleine, entre le RER et le métro, m’a permis de rejoindre ma femme à Gare-de-Lyon.
Sandrine était souriante, heureuse de me retrouver, énergique. De mon côté, sans raison particulière, j’étais un peu maussade. C’est souvent comme ça d’ailleurs, quand elle est trop joyeuse, je ne le suis pas assez ; et quand elle cesse de sourire, je fais tout pour la rendre de bonne humeur.
Heureusement, il y a aussi de nombreux moments où nous sommes joyeux en même temps.

A Neuilly, nous avons pris le bus ensemble mais elle est descendue à Ed pour commencer les courses. Je suis rentré pour prendre la voiture et la rejoindre. A mon arrivée, elle avait presque terminé.
Nous avons rangé une partie des courses, notre stock tampon, dans notre nouvelle belle cave sur nos nouvelles belles étagères.

Sandrine a préparé à manger et fait une piémontaise pour ma gamelle de la semaine. Elle a eu le temps de finir la salade pendant que je mangeais. Je mange plus qu’elle mais surtout je suis très lent.

J’ai ensuite téléphoné à mon père qui faisait sa promenade solitaire du soir. Il semblait désabusé, sceptique face au côté reposant (psychologiquement) de ses vacances et espérant tout de même de meilleures choses pour les cinquante prochaines années à venir. Il m’a dit plusieurs fois : « Je m’en fous, je vais être grand-père ! »
Nous sommes restés un long moment au téléphone. Sandrine, pendant ce temps, a eu le temps de parler avec sa mère, avec Cindy, de balayer, de laver le sol de la cuisine et de prendre son bain.
Etre une pipelette et avoir un père bavard me permet d’éviter certaines tâches ménagères mais m’empêche aussi de passer du temps avec ma femme, ce qui est dommage car les instants où nous ne sommes que nous deux sont rares.

Nous en avons discuté avant de nous coucher.
Comment faire pour profiter au mieux du temps passer ensemble ?
Comment faire pour être toujours, tous les jours, des amants passionnés, des amoureux transis, des romantiques, des poètes, quand le quotidien grignote le temps ?
Comment faire pour rester tout ça et, travailler, prendre les transports, voir des amis, voir la famille, faire du sport, lire des livres, essayer d’en écrire un, s’occuper de la maison, faire des travaux, des lessives, du repassage, la cuisine, la vaisselle, faire du théâtre, dormir ?

Nous n’avons pas trouvé de réponse toute faite. Il faut, je pense, profiter vraiment à 100 % de chaque instant, s’accorder du temps pour soi, aux dépends d’autres choses, d’autres activités, d’autres gens, ou même s’organiser ce genre de moment, bousculer le quotidien, créer soi-même des créneaux libres juste pour s’aimer entre parenthèses de tout.
C’est bien sûr plus simple à dire qu’à faire.
C’est dans ces moments-là que les livres d’Alexandre Jardin, dont je faisais l’apologie il y a à peine 10 ans, me dégoûtent aujourd’hui. Pour aimer une femme comme ses personnages les
aiment, il ne faut faire que cela, ne penser qu’à cela, vivre pour cela. Je pensais sincèrement que c’était possible mais je me suis trompé finalement et je suis devenu plus modeste.

Aimer sa femme tous les jours et essayer de le lui prouver est déjà beaucoup.

De même, par mail, j’ai parlé avec un auteur de polar de chez Albin, Thierry S., à propos de l’écriture.
Je lui ai confié mon désir d’écrire et ma frustration de ne pas trouver le temps pour le faire ; mon envie de coucher sur le papier ce qui encombre mon esprit ; mon impression d’avoir des choses à dire, à raconter ; la sensation d’être à la fois exceptionnel et comme les autres ; ma volonté de sacrifier du temps pour faire ce que je veux vraiment faire et mon incapacité à faire ce sacrifice.

Je lui ai demandé comment faire pour, de même qu’en amour, vivre pleinement sa vie, et trouver du temps pour écrire ?
Voici que qu’il me répond : « Comme vivre pleinement et trouver le temps pour écrire ? Mais c’est bien la seconde proposition qui répond à la première, si j’entends bien ton désir ! A te lire, je ne vois pas comment tu pourrais être heureux sans écrire, Romain. »

Ce qui vaut pour l’amour vaut pour l’écriture. Et réciproquement.