Les choses simples

20.6.07

Jour J

Mardi soir

Arrivé à la maison, j’ai eu le temps de prendre une douche, me changer et je suis reparti. J’ai fait un saut à la bibliothèque pour rendre deux livres et en prendre un autre que je voulais lire depuis septembre dernier.

J’ai remonté la rue à pied pour me rendre chez la dermatologue.
Ma mère m’avait fortement conseillé, il y a quelques semaines, de faire vérifier mes grains de beauté. Et comme je suis un bon fils, j’ai presque immédiatement pris rendez-vous. Je me suis donc allongé sur la table, en caleçon, et la dermato a pris le temps, avec sa lampe et sa loupe, d’observer de la tête aux pieds, chaque grain de beauté, pour finir par me dire que tout allait bien, que j’en avais en effet beaucoup, qu’il fallait surtout vérifier ceux du dos et éviter de trop s’exposer au soleil. En fait, il ne faut pas qu’un grain de beauté change de couleur et ses contours doivent rester bien délimités. Bref, elle m’a dit ce que je savais déjà mais je crois que c’est quand même une bonne chose de se les faire contrôler, on ne sait jamais.

Je suis rentré à la maison pour attraper mon appareil photo et la fin d’un paquet de gâteau. J’ai retrouvé Sandrine et nous avons rejoint Micaël chez lui. Il habillait sa fille en quatrième vitesse parce que l’heure tournait et que nous allions sûrement être en retard.

Alors que le spectacle commençait à 20h, nous sommes arrivés à 20h12 devant le centre culturel de Villeparisis. Nous avons réussi à trouver des places dans le noir, sur les marches. Alexia est restée très calme pendant le spectacle, malgré la musique, les gens, la chaleur…

Un spectacle de fin d’année d’une école primaire sur le thème d’Alice aux pays des merveilles.
Certains parents étaient encore plus fous que leurs enfants. Ils faisaient des signes, les appelaient, les encourageaient juste avant le début de chaque tableau, se rapprochaient pour prendre des photos, attendant même que leur rejeton fasse une pose alors qu’il n’avait pas fini de jouer.
Les enfants riaient, couraient dans tous les sens, n’étaient pas forcément en rythme, n’étaient pas tous concentrés. Certains saluaient la foule à la fin du tableau, faisaient de grands gestes en direction de leurs parents ou même embrassaient le public avec de grands gestes de la bouche et des mains, comme des stars du Music-Hall.
Pendant les chorégraphies, les garçons étaient moins intéressés que la fille qui, elles, aimaient bouger leurs cheveux et onduler leurs corps, alors que les mecs avaient l’air de trouver ça plutôt « naze » (mais je crois bien que ça ne se dit plus ce mot dans les cours de récré…). Ils se regardaient pour voir qui s’en sortait le mieux afin de le suivre pour les mouvements.
C’était à la fois mignon, ridicule, drôle et pathétique.
Impossible de faire taire les parents. Impossible de faire taire les enfants.
Ca me faisait penser au spectacle des enfants qu’on voit dans de nombreux films américains où le petit garçon ou la petite fille joue le rôle d’une fleur, d’un arbre ou d’une abeille. Les parents sont très fiers, ont apporté leur caméra et la petite leur fait signe sur scène alors qu’elle doit jouer un arbre immobile ou une abeille sans main…
A la fin du spectacle, tous les enfants de toutes les classes sont montés sur scène pour une dernière danse. Ils étaient 200, déguisés, dingues, sautant partout, criant, gesticulant dans tous les sens, comme s'ils étaent tous sous acide.
On aurait cru le final d’un spectacle de Chantal Goya mais sans Chantal Goya…
J’ai senti des frissons parcourir mon corps. Je me suis retourné vers Sandrine pour lui glisser dans l’oreille que j’avais devant moi un de mes pires cauchemars.

Quand la lumière s’est rallumée les parents sont devenus encore plus fous et ont tous accouru vers les coulisses pour récupérer leurs enfants le plus rapidement possible. L’orage menaçait dehors et en se dépêchant, certaines mamans auraient le temps de voir la fin du deuxième épisode de Grey’s Anatomy. Ils se bousculaient. Les maîtresses faisaient leur possible pour éviter de laisser partir un gamin avec quelqu’un qui n’avait pas l’air d’être un parent. Nous avons attendu que la foule se dissipe et nous avons pu rejoindre Laetitia dans les coulisses.

Quand nous avons repris nos voitures pour nous suivre jusqu’au McDo de Chelles 2, l’orage a enfin éclaté (« il fallait que ça pette, il faisait trop lourd » serait une banalité mais c’était ça…). On ne voyait pas grand-chose mais nous sommes tous arrivés en un seul morceau. Nous avons fait la queue pendant un long moment avant d’avoir nos plateaux puis nous avons allègrement mangé nos sandwichs, frites et autres saloperies.

Alexia était toujours bien calme, à moitié endormie, loin des préoccupations des adultes, de la pluie, du sol trempé, de Romain en tongs, de Laetitia épuisée par les enfants, de Sandrine qui avait mangé trop vite… Ah, la douce vie d’un bébé !!

Dans le parking, j’ai montré à Micaël l’état de mon pare-choc. Il a émit un petit sifflement : « Dis donc mon copain, tu n’as pas fait semblant ! Il faut tout changer là. »
Je n’en croyais pas mes oreilles. Le morceau cassé me paraissait changeable mais c’est Micaël qui s’y connaît alors je m’incline et je me dis qu’il va falloir tout changer alors… Je me dis aussi qu’on pourrait peut-être changer de bagnole finalement. Je finis mon débat intérieur en me disant qu’on ne change pas quelque chose juste parce qu’il est cassé (ou si, quand on a beaucoup de frics, ce qui n’est pas mon cas…).

Nous sommes tous rentrés chez nous.
Sandrine s’est endormie en deux secondes, quelques instants après minuit, pour pouvoir être la première à me souhaiter un bon anniversaire, et moi comme d’habitude, le temps de faire mes petites bricoles et je m’insérais sous la couette une demi-heure plus tard.

Et puis, tiens, aujourd’hui c’est mon anniversaire !
27 ans.
J’ai reçu des textos, des messages, j’ai eu deux trois personnes au téléphone. C’est toujours touchant de voir qu’on pense à moi. Dans ma tête, je note les gens et plus les heures passent plus je m’inquiète du silence de certaines personnes… Mais souvent, en fin de journée, je suis rassuré.

J’ai déjeuné avec mon père ce midi. Comme chaque année, nous avons rapidement évoqué le souvenir de ma grand-mère, décédée il y 17 ans, jour pour jour. J'avais 10 ans.

J’ai écouté mon père parler. J’ai essayé de suivre son regard fuyant, dans le vague. Je l’ai bien observé et j’ai creusé au fond de moi pour me souvenir d’un moment, d’une période, d’une époque où il était heureux, je veux dire, vraiment heureux…
J’ai bien quelques images furtives du Portugal, l’été, quand nous étions tous ensemble, avec mes petits frères, à la plage, à la piscine, sur le terrain de football… J’ai bien le jour de mon mariage… Mais ça reste pauvre, trop pauvre…

Voilà, j’ai 27 ans ! Il fallait bien que ça m’arrive un jour.
Il y a 10, comment je m’imaginais à 27 ans ?

- Surtout pas comme les autres : ne pas devenir un mouton, métro-boulot-dodo, ne pas avoir de moins en moins d’amis, ne pas faire un boulot merdique, ne pas attendre la retraite avec impatience, ne pas arrêter le sport, ne pas arrêter d’être jeune, ne pas avoir un bide, ne pas devenir con, ne pas fumer, ne pas aimer le café ni le vin rouge.

- Pas comme mes parents : être heureux en couple, ne pas me marier avec quelqu’un qui ne m’aime pas à ma juste valeur, ne pas être avec quelqu’un qui n’aime pas mes enfants, ne pas divorcer, ne pas voir mes enfants tous les quinze jours, ne pas aller voir ma mère tous les dimanches, ne pas perdre mes parents, être heureux plus souvent.

- Ecrivain : ne pas passer une journée sans écrire, avancer dans des projets, commencer et finir un roman, organiser une vraie œuvre pour dire réellement, profondément, quelque chose.

- Libre : ne pas travailler, lire, écrire toute la journée ; flâner dans les rues de Paris avec mon appareil photo, un carnet ; m’arrêter à la terrasse d’un café pour regarder les gens passer, capter le regard d’une jolie fille ; voyager, parcourir le monde, avec mon sac-à-dos, rencontrer des gens.

- Professeur de Lettres : transmettre un savoir, communiquer ma passion, donner envie de lire et d’écrire…

- Un super sportif : abdos, endurance, un peu de muscle, une hygiène de vie exemplaire (footings, repas équilibré, etc.).

- Amoureux : trouver la femme de ma vie, vivre avec elle (sans forcément me marier), lui faire un enfant (un seul). Ne pas avoir de chien, ni un break, ni manger de petits pois ou de l’ebly, ni passer nos soirées à regarder la télévision, ni s’aimer de moins en moins, ni se séduire de moins en moins, ni faire l’amour de moins en moins.

- Papa : avoir un enfant bien élevé, bon en classe, drôle et sérieux à la fois, ambitieux et original, qui ne fumera pas, ne se droguera pas, ne se fera pas tabasser ni racketter par des plus grands que lui, qui s’éloignera des inconnus aux tendances lubriques, qui ne conduira pas une voiture bourré, qui aimera et respectera ses parents.

- Jamais seul : aucun membre de ma famille, aucun ami, perdu, disparu ou mort. Et tous toujours aussi proches de moi.

J’ai 27 ans aujourd’hui !

Dix ans se sont écoulés et tout ne s’est pas déroulé comme prévu.
Mais ce n’est pas grave.
Ce que je suis aujourd’hui, ce que je suis devenu, n’est pas trop mal non plus.
C'est même plutôt bien, surtout en amour, surtout grâce à Sandrine...

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Moi je trouve que tu t'en sors très bien...en tout cas à 27 ans tu es toujours l'homme le plus merveilleux du monde à mes yeux...
Ta chérie d'amour....

20 juin, 2007  
Anonymous Anonyme said...

En tous cas ta super copine est toujours là : et même si elle ne t'a toujours pas appelé à 17H03 elle pense à toi!

Bises mon petit Romain de 27 ans

20 juin, 2007  
Blogger Domi said...

Rassure-toi, heureusement qu'on ne recopie pas toujours les erreurs de ses parents (qui, en cherchant bien ont quand même des qualités). En tout cas, ils t'aiment tous les deux très fort et tu peux en effet être fier de ce que tu es devenu .....
En tout cas, moi je le suis !!!
Bisous mon grand ......

21 juin, 2007  

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