Les choses simples

30.9.11

Course à pied

Depuis le mois de juin, je fais beaucoup de course à pied. Trois fois par semaine, je me lève une heure plus tôt, j'enfile mes baskets, je pose mon casque sur la tête, mon téléphone dans la brassière que j'enroule autour de mon bras et je quitte la maison encore endormie pour avaler des kilomètres.

Au début, le soleil était déjà levé et m'offrait sur la ville des couleurs invraisemblables et chaudes. Je prenais des parcours différents, essayais de nouvelles distances. J'étais bien, ma musique dans les oreilles.

Depuis début septembre, les choses ont un peu changé. En effet, quand mon réveil sonne, vers 5h45, il fait bien nuit dehors. Et quand je suis prêt à sortir, il fait toujours sombre. Certains matins, c'est plus compliqué. Je me demande pourquoi je fais ça.

Et encore il ne fait pas froid. Si je tiens le coup tout l'hiver, ce sera une bonne chose. Sinon, il ne s'agira encore une fois que d'une mode passagère.

Un mercredi, il y a peut-être deux semaines, j'ai pris un parcours qui passe par les Bords de Marne, du côté du stade de football. Pendant la descente, tout allait bien et soudain, au loin, m'approchant de la rivière, je ne voyais plus rien, juste une masse sombre qui semblait vouloir m'aspirer. J'ai poursuivi mon chemin, évitant de justesse une flaque d'eau de la taille d'un étang et je me suis engagé sur la piste cyclable qui n'était donc pourvue d'aucun éclairage. Seule la lune, presque pleine, me donnait quelques zones moins obscures mais avec les feuilles des arbres, ce n'était pas très efficace. Sur cette partie, je suis allé plus vite. Je ne craignais pas spécialement de me faire agresser, me disant peut-être naïvement qu'il était bien trop tôt pour ça, j'avais surtout peur de trébucher sur quelque chose, de m'écrouler au sol, tout seul, dans le noir d'une piste que personne n'emprunte de si bonne heure. Finalement, j'ai rejoint une zone d'habitation éclairée assez rapidement et j'ai fini ma boucle comme d'habitude.

Une semaine plus tard, j'ai pris un autre parcours, celui qui fait un tour en passant par Champs et Gournay avant de revenir sur Noisy. Dans une belle montée, alors que les réverbères étaient allumés et éclairaient bien la route, je me suis pris une racine de platanes qui faisait bomber le trottoir et là... cascade ! J'ai eu le réflexe de poser d'abord mes mains au sol (je le précise car quand j'étais petit, je ne le faisais pas et je me suis souvent retrouvé avec des lèvres gonflées) puis le coude gauche (petites éraflures au passage) et enfin de faire une galipette avant pour me retrouver sur mes pieds, vérifier en un quart de seconde que tout allait bien et repartir comme si de rien était. Mes paumes de main me piquaient un peu, mon coude également mais sinon, rien à signaler, un vrai yamakasi !

Dimanche dernier a eu lieu les 10 km de Gournay. Suite à l'amélioration de mon record lors des 10 km de Noisy en juin dernier (50'59), je me suis assez rapidement inscrit à cette nouvelle course pour me donner un but pour la rentrée. J'ai eu un nouveau téléphone pour mon anniversaire, découvert une application gratuite qui donne le plan de course, les kilomètres parcourues, les temps de passage, la vitesse moyenne, je me suis motivé pendant l'été, j'ai même entraîné dans mon sillage Anthony qui a lui-même convaincu son beau-frère et, du coup, dimanche dernier, vers 10h, nous nous sommes retrouvés tous les trois sous un beau soleil de début d'automne, avec chacun des ambitions différentes mais une même envie de parvenir jusqu'au bout.

Nous nous sommes échauffés sur le parcours, le long des Bords de Marne. Nous avons regardé du coin de l'oeil ceux qui avaient l'air de ne pas être là pour rigoler et qui pourraient finir leur deuxième tour alors nous terminions à peine le premier. Anthony voulait finir en moins d'une heure. Lionel, son beau-frère, qui a récemment perdu beaucoup de kilos et qui semble trouver dans la course à pied un moyen de garder la forme tout en se dépassant souhaitait faire moins de cinquante minutes. De mon côté, ce temps-là était aussi mon but. Je m'en savais capable mais je connaissais aussi le problème d'être présent le jour J à l'heure H...

Nos femmes et nos enfants sont arrivés presque en même temps, juste pour nous souhaiter bon courage. Nous nous sommes placés en queue de peloton, avons préparé nos téléphones, nos sélections musicales et/ou nos applications et quand le coup de feu a retenti, nous avons suivi la foule des coureurs pour prendre notre rythme. Dans les premiers mètres, j'ai dépassé pas mal de monde, suivant Lionel à deux mètres derrière lui. Je sentais bien que je partais un peu trop vite mais je me disais aussi qu'après tout, peut-être que c'était ce qu'il fallait faire et observer ensuite une bonne gestion de course. Mais à ce moment-là, c'était seulement suivre Lionel qui m'intéressait. En haut de la côte, au 2ème kilomètre, j'ai vu Stéphane qui m'attendait derrière une barrière et à qui j'ai fait un petit signe qu'on pourrait traduire par un "merci mon ami, ça me touche beaucoup, je te kiffe" et dans la descente j'ai fini par dépasser Lionel et prendre alors mon rythme personnel et ma foulée, dépassant des coureurs, me faisant dépasser aussi. Jusqu'au 6ème kilomètre, tout allait bien mais j'ai quand même eu une baisse de régime sur 5 bonnes minutes pendant lesquelles je me suis maudit d'être parti si vite.

Dans le dernier kilomètre, une petite femme que j'avais doublée un kilomètre plus tôt m'a doublé à son tour et semblait avancer comme une fusée, me laissant loin derrière elle.

Et finalement, quand j'ai tourné pour me retrouver dans la ligne droite de l'arrivée, que j'ai vu Sandrine et Vincent, que j'ai jeté un coup d'oeil sur le chronomètre officiel de la course, j'ai déchiffré 48... Je n'en croyais pas mes yeux et j'ai alors accéléré pour franchir la ligne en 48'28, battant mon record, et approuvant alors, car ils venaient de payer, tous mes footings ultramatinaux, dans le noir et la solitude.

Lionel est arrivé en 52' quelque chose. Anthony en 1h'00''37. Il était déçu car son application lui donnait moins d'une heure et il s'était fié à elle. S'il avait su qu'il avait ce petit retard, il aurait trouvé de la ressource pour rester sous la barre des une heure. Du coup aussi, cela lui a donné envie de recommencer, et très vite.