Les choses simples

22.9.11

Dimanche

Dimanche fut une journée particulière.

Le matin, Sandrine, Vincent et moi nous sommes rendus à la Brocante du Perrreux.

Avant cela, j’avais pris la voiture pour acheter une boite double à Bricorama. Je n’avais pas regardé les horaires d’ouverture avant d’y aller, comme Sandrine me l’avait judicieusement conseillé, et je me suis retrouvé devant des portes closes à 9h40… Je suis rentré et j’ai récupéré Sandrine et Vincent qui m’attendaient sur le trottoir au garage VolksWagen.

Bien sûr, nous avons mis un temps fou à trouver une place. Tellement fou que finalement j’ai déposé ma petite famille près des cent marches et j’ai cherché seul une bonne place. Je me suis retrouvé dans les hauteurs à me garer dans une place qui n’en était pas une, entre deux arbres.

Je les ai retrouvés assez rapidement. Vincent avait apporté son porte-monnaie Flash McQueen avec un peu d’argent de sa tirelire. Sandrine lui avait dit qu’il pouvait s’acheter ce qu’il voulait mais qu’il fallait organiser ses dépenses. Il a réussi à se contenir, écoutant aussi nos conseils avisés à propos d’une voiture trop cabossée ou d’un jouet McDo vendu 1€.

Nous avons croisé la nourrice de Sandrine, une portugaise grande, aux cheveux bouclés, avec une grosse voix. Son mari, petit et timide, nous a montré sur son téléphone une photo de son petit fils, engoncé dans un canapé, habillé en racaille. Ils étaient très fiers.

J’ai failli craquer sur le stand d’un mec qui vendait des BD indépendantes.

A un moment, nous nous sommes dit qu'il serait peut-être bon de faire demi-tour. Sandrine m'a fortement conseillé de partir devant pour récupérer la voiture plus vite et les retrouver sur le chemin. A peine avais-je parcouru une centaine de mètres que je suis tombé sur Abassia, l'ancienne nourrice de Vincent, qui était avec son fils et sa plus grande fille. Son fils m'a reconnu mais n'a rien dit et semblait se demander avec de grands yeux ce que je pouvais foutre ici un dimanche matin. Les deux femmes négociaient un prix et ont obtenu gain de cause. J'étais à leur côté mais elle ne paraissait pas me voir. Lorsqu'elles ont repris leur route, des sacs et des caddies dans les mains, je les ai suivies tout en appelant Sandrine. Lorsqu'elle a décroché, j'ai commencé à parler plus fort, lui expliquant que j'avais retrouvé Abassia mais qu'elle ne m'avait pas vu, qu'elle faisait sûrement exprès, etc. Cela a fonctionné. Elles ont fini par me remarquer. Comme elles sont voilées et que je ne sais pas exactement ce que je peux faire en tant qu'homme en leur présence, j'ai préféré ne pas leur faire la bise. Je suis peut-être passé pour un malpoli mais c'est mieux que de les mettre mal à l'aise avec mes lèvres d'homme sur leurs joues de femmes musulmanes.

Sandrine est arrivée quelques minutes plus tard, avec Vincent qui lui tenait la main et qui au fil des pas qui le rapprochait de nous, se cachait doucement derrière sa mère. Sa nourrice semblait vraiment très heureuse de le revoir et en même temps frappée de le voir si grand. Nous avons fait un bout de chemin ensemble. Elles nous ont dit qu'ils pensaient mettre la maison en vente et envisageaient de quitter la France pour tenter leur chance au Maroc. Elles ne se sentent pas bien en France et ne parviennent pas à s'intégrer comme elles le voudraient, avec des regards en coin, des remarques. La fille de la nourrice, voilée depuis son mariage, a arrêté ses études pour accoucher de sa petite fille et ne trouve pas du tout de travail. Elles pensent donc avoir une meilleure vie au Maroc, sous le soleil. J'ai fait la remarque que j'avais l'impression qu'elles baissaient les bras alors même que la France apportait beaucoup de choses et que jusqu'à présent, elles n'avaient quand même pas eu une si mauvaise vie. Elles ont reconnu que j'avais raison mais que c'était facile pour moi, qui n'était ni d'origine étrangère, ni d'une religion que la plupart des gens ont du mal à comprendre.

Je les ai abandonnées pour me diriger vers la voiture. Je suis revenu vers l'entrée de la brocante et j'ai attendu cinq minutes que ma femme et mon fils me retrouvent.

Nous sommes ensuite passés à Bricorama pour acheter la boite double. Ils sont restés dans la voiture pendant que je faisais l'aller-retour dans le magasin.

Dans l'après-midi, pendant que Vincent faisait sa sieste dans sa chambre, et que Sandrine, épuisée, s'écroulait complètement dans le canapé, Stéphane est passé à la maison pour des petits travaux d'électricité, avant que les travaux de peinture ne débutent. Pendant qu'il s'acharnait sur un poussoir, un interrupteur va et vient et un autre avec un voyant lumineux dessus, j'ai commencé à vider notre salon et notre salle à manger. Quand je ne pouvais plus porter les choses seul, j'ai essayé de soutenir l'électricien, en descendant au tableau, en proposant des idées saugrenues.

Après avoir galéré, je ne l'ai pas laissé respirer et il m'a aidé à descendre la table de la salle à manger. Il a fallut passer les pieds par la fenêtre de la salle de bain pour réussir à lui faire passer la porte. Le canapé a demandé moins d'organisation et s'est retrouvé à la cave sans encombre.

Le seul problème que nous avons rencontré fut Sandrine. Elle dormait encore profondément dessus quand nous en sommes arrivés à ce point. Je l'ai réveillée parce que je ne nous voyais pas descendre le canapé avec Sandrine dessus.

Nous avons monté deux trois meubles à l'étage, poussé la bibliothèque et le bahut au centre et soudain, tout était vide et résonnait tristement.

Le soir, après avoir couché Vincent, nous avons regardé la télévision dans le salon. Sandrine avait étendu un plaid sur le carrelage, posé des coussins dessus. La télé et la freebox se tenaient, seules, de l'autre côté, elles aussi à même le carrelage. Il y avait un air de premier emménagement d'un jeune couple qui n'a pas encore de meubles. Nous avons regardé Fatal. Nous étions mal allongés, nous avions froid, et sans trop nous le dire, je crois que nous étions tristes à l'idée de vider et de quitter cette maison dans laquelle nous sommes tous trois si bien.

Lorsque nous avons éteint la lumière avant de monter, nous avons eu un pincement au cœur, ne sachant pas quand nous reviendrions ici.