Les choses simples

9.9.11

Une parenthèse

Dimanche, en fin de matinée, toute la petite famille était réunie dans la cuisine.

Nous devions recevoir ma cousine, Julie, accompagnée de son fiancé, Guillaume et de leur fille, Clémence… Et de Victor qui a cet instant était encore dans son ventre mais qui se préparait à venir au monde en fin d’après-midi. Elle m’avait appelé pour me dire qu’elle avait des contractions et qu’elle hésitait à venir. Je l’avais convaincue de tenter le coup, quitte à partir en urgence s’il le fallait mais au moins, Clémence aurait été quelque part.

Sandrine avait trouvé une recette sur Internet. J’avais donc posé notre ordinateur portable dans un coin avec la page de la recette ouverte. Elle faisait un peu le DJ en mettant des vidéos de clips depuis YouTube. Il y avait de tout et même « ChériCoco » qui continue à me faire saigner des oreilles. Ne sachant trop quoi faire, comme d’habitude, je fis la vaisselle des ustensiles qu’elle utilisait au fur et à mesure, histoire de ne pas être débordé puis elle me demanda d’éplucher des légumes pour l’apéritif. J’attrapai alors l’économe rouge que ma tante nous a offert lors d’un Noël il y a trois ou quatre ans, qui est assez design, mais avec lequel je me bats à chaque fois tant je n’arrive à rien. Je choisis une chanson d’Adèle, « Someone like you » et m’assis sur une chaise, avec devant moi sur la planche à découper, quelques carottes et un concombre. Lorsque la musique débuta, j’entendis Sandrine qui était sortie de la pièce quelques instants car Vincent l’avait sollicitée ailleurs, faire une remarque : « Oh ! j’adore celle-là ! »

Elle entra dans la cuisine, son tablier en madras autour de la taille, le sourire jusqu’aux oreilles. Vincent l’a suivait affublé lui aussi de son tablier, le blanc et bleu d’Ikea.
Sandrine s’approcha et me tendit la main, pour m’inviter. Je posai mon économe et mes carottes, je m’essuyai les mains dans le torchon et je me levai. Elle me prit alors dans ses bras, m’enlaça même tendrement et nous commençâmes à tourner doucement, rythmés par la superbe voix de la chanteuse.
Il n’y eut soudain plus rien, plus de cuisine, plus de recette, plus de repas à préparer ni d’invités à recevoir. Il n’y eut plus rien que nous deux, tournant, serrés l’un contre l’autre. Je respirais son odeur, le visage dans son cou, légèrement chatouillé par ses cheveux.
J’avais l’impression d’être là où il fallait être, à la place qui était la mienne, qui aurait toujours dû être la mienne. J’étais bien, comme nous ne le sommes qu’à de très rares moments, trop fugaces pour les saisir et déjà qu’un vague souvenir lorsqu’ils nous ont glissés entre les doigts.
Cela me fit penser à ce que je disais à ma mère quand elle ne parvenait pas à rester cinq minutes assise, sans courir à droite ou à gauche : « profite des heures creuses de la vie ». Elle se moquait de moi mais c’est tellement primordial de prendre parfois le temps de tout mettre sur pause et de laisser un instant se passer sans rien…
Juste être là, regarder les nuages, un coucher de soleil, un oiseau qui s’envole, des fourmis en plein travail ou simplement prendre quelqu’un qu’on aime dans ses bras et partager cet amour en le serrant de toutes ses forces.

Une petite voix nous fit subitement revenir dans la cuisine. C’était Vincent qui semblait nous avoir regardés faire notre petit manège. Il avait sa moue habituelle, la lèvre inférieure en avant, les sourcils froncés. « Et moi alors ? » nous dit-il d’une voix plaintive. Nous ouvrîmes nos bras avec joie et il entra dans le cercle. Je me surpris à penser qu’un enfant empêchait ses parents d’être vraiment seuls mais je chassai très vite cette pensée, heureux de sentir mon fils se blottir dans nos bras. Nous nous serrâmes, comme si la fin du monde approchait. Sandrine embrassa Vincent sur une joue, moi sur l’autre. Puis il nous embrassa chacun notre tour. Et finalement, j’embrassai Sandrine sur la bouche, sentant sur ma nuque, la main de mon petit garçon.

Nous tournâmes encore, laissant la musique s’achever.
Vincent chantonna comme un slogan : « C’est la famille Marchais ! la famille Marchais ! »

Jamais, je ne m’étais autant senti appartenir à une famille, à ce groupe que nous formions tous les trois.

Nous reprîmes très vite nos différentes occupations mais pendant que j’épluchais ma dernière carotte, je me dis que cette parenthèse deviendrait sûrement un nouveau refuge pour moi, vers lequel je m’échapperais quand les temps seront plus durs, que les épreuves paraîtront insurmontables…

Je me retournerai vers cet instant volé, vers cette famille serrée, ma famille, et je me sentirai invincible.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

un économe c'est quand même une chouette idée comme cadeau de Noël, je m'en souviendrais. Sinon très beau moment, merci de l'avoir partagé...
Steph de Steph-Nico-Julien

12 septembre, 2011  

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