Les choses simples

29.2.08

Décès de Boris Schreiber (29 mai 1923 – 11 février 2008)

Cet auteur ne dira presque rien à beaucoup d’entre vous mais certains se souviendront de ce nom, surtout ceux qui étaient avec moi à la fac.

Pendant un cours sur l’autobiographie et les différentes manières de se raconter, une prof un peu déjantée nous avait demandés d’écrire quelque chose sur le tournant de notre vie. Quelques jours plus tard, elle nous avait parlé de Boris Schreiber, nous citant deux ou trois ouvrages, dont Un silence d’environ une demi-heure, Prix Renaudot 1996. En petits élèves modèles, plusieurs d’entre nous avaient décidé d’acheter au moins un livre en poche, surtout que l’auteur devait nous rendre visite. Il y a eu un certain engouement pour lui pendant plusieurs semaines puis c'est retombé, à part pour Christelle qui a fait son mémoire de maîtrise sur lui et avec qui elle a correspondu. Elle m'a avait prêté l'enregistrement d'une émission de radio, déjà prêté par la prof, dans laquelle Boris Schreiber se racontait et confiait ses souvenirs, sa passion, son amour de l'écriture.

Je ne sais plus pour quelle raison mais je n’ai pas pu assister à cette rencontre à la fac. J’étais déçu, surtout après les réactions enthousiastes de mes camardes suite à sa venue. La prof m’a donné son adresse et je me suis empressé de lui envoyer un courrier. Il m’a répondu peu de temps après de son écriture tremblante. Quelques phrases espacées sur une feuille blanche.
Très vite, il m’a proposé un rendez-vous. Nous nous sommes retrouvés dans le jardin du Luxembourg. J’avais apporté mon appareil photo. Il m’a guidé dans des rues de Paris que je ne connaissais pas à l’époque et qui font aujourd’hui partie de mon quotidien. Nous nous étions arrêtés au bar de l’hôtel Lutétia pour prendre un verre. Je l’avais pris en photo sur le trottoir, deux rues plus loin. Nous nous sommes quittés en bas de chez lui, boulevard Raspail, nous promettant de nous revoir.
J’ai lu ses livres, les récents comme les plus anciens, cherchant les introuvables sur Internet ou chez les bouquinistes. J’ai dévoré les deux volumes en poche d’Un silence d’environ une demi-heure, criant ensuite à droite à gauche que c’était un chef d’œuvre, qu’il fallait le lire absolument, le conseillant à tout le monde. Je me souviens que j’avais même crée une étiquette coup de cœur à la FNAC avant Noël pour vendre le coffret et que ça avait plutôt bien fonctionné.

Nous avons continué à nous écrire. Je recevais des lettres des Etats-Unis, de la campagne, de Paris. Notre correspondance n’était pas régulière mais elle était suivie, rythmée par mes lectures. J’ai même eu le courage de lui envoyer une nouvelle que j’avais écrite et dont j’étais assez fière, à l’époque. Nous en avons parlé à la terrasse d’un café, à cinquante mètres de chez lui, tout près de chez Albin. Il m’avait rendu mes feuilles, me disant que c’était moyen, qu’on n’y croyait pas, que c’était bavard.
Je crois que la dernière fois que nous nous sommes vus, à l’intérieur de ce même café, il m’avait apporté un exemplaire de deux livres quasiment introuvables, pour me les dédicacer et me les donner. Il m’avait expliqué que les ventes de ces deux livres avaient été si mauvaises qu’il avait racheté la totalité du stock, endormi désormais dans sa cave, plutôt que d’accepter la mise au pilon.

J’ai beaucoup moins apprécié ces derniers romans, moins clairement autobiographique que Le lait de la nuit, Le Tournesol déchiré, Un silence… ou Hors les murs. Il avait tendance à se croire supérieur aux autres, à la fois les écrivains et les humains, pensant être un « génie » et ne comprenait pas son manque de succès, malgré son Prix en 1996 et un semblant de reconnaissance.
Il m'avait dit qu'il écrivait son journal d'une manière un peu particulière. Il se mettait chaque jour à sa table mais pour différencier cette écriture de celle consacrée aux romans ou à la poésie, il s'était forcé à écrire de la main gauche.

Hier, en cherchant un bouquin de lui sur Chapitre.com, je tombe sur son dernier roman, paru en janvier, Faux-Titre.
Et je me suis dit que je pourrais peut-être lui envoyer une petite lettre.

2 Comments:

Blogger Nicolas said...

Tu me donnes envie de me plonger dedans. On verra, je dois recommencer Les Bienveillantes (un docu sur arte m'a donné envie de me relancer).

29 février, 2008  
Anonymous Anonyme said...

C'était donc de belles rencontres desquelles tu ne dois pas oublier les conseils....
Ça m'a fait sourire de voir que tu le retrouvais à côté de mon dernier emploi à Paris... que de souvenirs...
Ah Paris... enfin Lisbonne n'est pas mal non plus!

Gros becs

Ourse

03 mars, 2008  

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