Je sors de prison
Le midi, je suis allé à la FNAC
pour acheter le cadeau de fête des mères. J’ai attrapé le CD, j’en ai pris un
pour Sandrine, faisant une entorse à ma règle au sujet d’un cadeau à lui offrir
pour la fête des mères, sachant qu’elle n’est pas ma mère… Je jette un œil sur
toutes les caisses. La plupart semblent avoir trois ou quatre personnes en
attente. Je choisis donc de m’insérer dans la file d’attente des deux
« caisses express maximum trois articles ». C’était sans compter sur
la lenteur des caissiers et les demandes de chaque client devant moi, persuadés
qu’ils étaient également à l’accueil du magasin. Je tournais ma tête vers les
autres caisses que j’avais laissé de côté et je voyais des gens arrivés en même
temps que moi au rez-de-chaussée, avec leurs achats, être en train de payer,
alors que j’attendais toujours. Je me demandais si je devais quitter la queue
pour tenter ma chance ailleurs mais je me trouvais face au dilemme des caisses
des supermarchés : dès qu’on chose de queue, c’est pratiquement
obligatoire, celle qui allait vite, se met soudain à ralentir pour un
problème de prix manquant, de carte
bleue qui ne passe pas, etc. Du coup, je suis resté sur place et j’ai
poireauté, en attendant mon tour, ravi d’avoir choisi la caisse express.
En
sortant, à l’angle de la FNAC Montparnasse, se tenait un homme. Il était grand,
plutôt mince et semblait habiller comme un jogger. Il avait un blouson comme
ceux que portent les bénévoles de la Croix-Rouge, Médecins du monde, Médecins
sans frontières, etc. qui vous interpellent dans la rue avec le sourire en vous
demandant si ça ne vous fait rien de voir des gens mourir au Darfour, de savoir
que des enfants meurent du SIDA en Asie par manque de soins ou qu’il n’y a
toujours pas d’eau en plein désert pour des centaines de villageois, etc. Grâce
à l’un deux, je donne 10 € par mois depuis 5 ans à Médecins sans frontières,
sans trop savoir pourquoi ni pour qui. Depuis d’ailleurs, j’essaie de les
éviter, je trouve toujours un prétexte, je fais même parfois d’être au
téléphone, juste pour ne pas avoir à leur dire non et à affronter le regard
déçu et parfois condescendant.
Bref, tout ça pour dire que je m’apprêtais à
trouver une méthode pour éviter la demande de ce grand mec, mais quand je me
suis approché, j’ai vu qu’il tenait une pancarte en carton fait main sur
laquelle il avait inscrit « Je sors de prison. Aidez-moi. » J’ai
trouvé que ce n’était pas le meilleur slogan pour inspirer confiance, comme ça,
au milieu de la rue de Rennes. Les choses passaient à côté de lui. Il essayait
de leur parler mais aucun ne s’arrêtait.
Quand je me suis retrouvé à sa hauteur, il m’a regardé et m’a dit :
« Eh, mec ! Tu me donnes une seconde chance ? » J’ai souri
bêtement et j’ai continué à marcher.
Quelle seconde chance pourrais-je donner à
un inconnu croisé dans la rue ?
Qui peut donner une seconde chance
d’ailleurs ?
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