Les choses simples

27.5.14

Elle plus tard

Le matin, dans le RER, je me suis assis pour lire et comme à chaque fois, avant de me plonger dans l’histoire, je scrute les passagers de mon wagon. Je ne sais pas ce que je cherche en faisant cela. Quelqu’un que je connais avec qui parler, un individu suspect, une jolie fille, les habitudes des gens, ce qu’ils lisent, combien ont en journal en main, combien un roman, combien regardent un film sur leur tablette, combien jouent à Candy Crush, combien dorment, qui semblent de bonne humeur. C’est un radar qui passe dans mes yeux. Je fais ça à chaque fois.

Ce vendredi, mon regard s’est arrêté sur une jeune fille en face de mois deux rangées plus loin. Je l’ai fixé un long moment jusqu’à ce que je me dise que ça risquait de devenir gênant. Son visage me disait quelque chose. Ses traits, son regard, le dessin de sa bouche, la manière dont ses cheveux retombaient, chaque détail me rappelait quelqu’un, une personne que je connaissais, que j’avais croisé, je ne savais pas exactement.
Puis, petit à petit, j’ai compris. En réalité, il s’agissait de Léane, la fille de Stéphane et Elodie, ma filleule. Mais pas telle qu’elle est aujourd’hui, évidemment, du haut de ses 3 ans et demi, non plutôt telle qu’elle pourrait être d’ici 20 ans. Cette jeune fille ressemblait à Léane dans 20 ans.
Je l’ai regardée assez souvent jusqu’à ce qu’elle quitte le train à Nation. C’était bien elle, c’était bien Léane, qui dans un « espace-temps parallèle de différents mondes qui coexistent en même temps » prenait le RER pour aller étudier ou travailler. Elle ne reconnaissait pas son parrain parce que c’était impossible que je sois là. J’aurais voulu lui parler, lui demander ce qu’elle devenait (allait devenir), comment nous étions tous devenus (allions tous devenir)…
Ce n’est pas la première fois que ce genre de chose m’arrive. Il y a plusieurs années, sur le quai du RER à Chatelet, j’étais tombé sur une très vieille femme qui avait les mêmes traits que Jade, la fille d’Anthony et Marie. Comme si 80 ans étaient passés d’un coup, me laissant la possibilité de voir ce que personne ne pouvait voir.