Les choses simples

1.9.11

Les aventures de Romain M.

Après trois semaines de vacances bien sympathiques, Romain M. a repris le travail. Le lundi était une journée horrible mais le mardi, ça allait déjà beaucoup mieux. Ce jour-là, il décida, pendant son heure du déjeuner, d’aller jusqu’à la bibliothèque André M. pour rendre les trois BD qu’il avait empruntées fin juillet et peut-être se laisser tenter une nouvelle fois par une nouveauté ou deux.


Il faisait beau et c’était agréable de remonter la rue Vaugirard.

En passant la grande porte de l’immeuble pour se diriger vers l’ascenseur, une jeune fille qu’il n’avait pas vraiment remarquée au début l’interpelle :

Elle : Monsieur, c’est fermé…
Lui (fronce les sourcils, revient sur ses pas et regarde la jeune fille) : Ah bon ? Que se passe-t-il ?
Elle (écrivant plus ou moins un texto en même temps) : Il y a un problème électrique… C’est juste aujourd’hui… La bibliothèque sera ouverte demain.
Lui (ne voyant aucune affiche nulle part annonçant cela, hausse légèrement les épaules) : Ah…
Elle (rangeant finalement son téléphone) : Vous veniez rendre des livres ?
Lui : Oui, c’est ça.
Elle (cordiale, souriante) : Je peux les prendre si vous voulez et je m’en occuperai tout à l’heure…
Lui (souriant) : Ah ouais ? Bah… Ok… (Il ouvre son sac-à-dos, sort les trois BD et les tend à la jeune fille en précisant bêtement ce qu’elle peut voir d’elle-même) Il y a en deux grosses et une petite.
Elle (les garde dans ses mains, toujours souriante ; un rayon de soleil éclaire son œil gauche d’un vert très clair) : Merci.
Lui (en refermant son sac) : Non, c’est moi !

Romain M. se dirigea alors vers une boulangerie de la rue de Rennes pour acheter sa petite salade du midi. Sur le chemin, quelque chose d’étrange monta en lui, une sensation inattendue qui le mit mal à l’aise. Il s’arrêta, se retourna, regarda en direction de l’entrée de la bibliothèque et se demanda soudain s’il n’allait pas voir la jeune fille partir en courant dans l’autre sens, trois BD sous le bras…

Il reprit sa marche, acheta son repas. Il avait l’impression d’avoir dans la bouche un sale goût qui ne voulait pas partir et, surtout, au fond de lui, il entendit un petit rire mesquin qui n’augurait rien de bon.

Il se dit « je viens de laisser trois BD à une inconnue sur le trottoir… je viens de faire ça ? je l’ai vraiment fait ? non ? si ? mais qui peut faire une chose pareille ? qui est assez bête pour faire ça ? sans rien vérifier ? ». Il se dit aussi « mais elle avait l’air de connaître ! et qui peut bien voler des livres de bibliothèque, sérieux ? » C’était un véritable combat dans son cerveau.

Lorsqu’il arriva au jardin du Luxembourg, il fit part de son expérience à ses collègues, Thomas R. et Gabrielle M. et tous deux se marrèrent et se foutèrent immédiatement de sa gueule en lui disant que c’était vraiment sympa de donner des livres, comme ça, pour rien. Romain M. se rendait bien compte désormais qu’il avait eu tout faux, qu’il aurait dû refuser la proposition de cette fille ou qu’il aurait dû vérifier ses propos (la bibliothèque était-elle vraiment fermée pour un problème électrique ? qui était cette jeune fille sans badge ni identité particulière, et qu’il n’avait jamais vu dans les locaux de la bibliothèque ?)

La discussion changea de sujet mais pendant tout le repas, Romain M. s’imagina avec un nouveau lourd dossier sur son cas et trouva que, tout de même, ça commençait à bien faire toutes ces histoires, et qu’il fallait faire quelque chose pour être moins con.

De retour à son poste, Romain M. se connecta au site Internet de la bibliothèque, entra ses codes secrets pour accéder à son compte et découvrit, avec soulagement, un message sur la page d’accueil annonçant que malheureusement la bibliothèque était fermée en raison d’un problème électrique. Après vérification, il observa que ses livres avaient bien été rendus et finit même par se dire que, parfois, être naïf et faire confiance aux autres, ça valait le coup, et qu’il ne fallait pas voir le mal partout…

Le soir, il raconta son histoire à sa femme. Elle n’en revint pas. Elle le regardait, un fin sourire au coin des lèvres, mi-amusée mi-abasourdie par la capacité de son mari à se retrouver dans ce genre de situation.
Elle arriva à la conclusion que, pour cette fois, il avait eu de la chance mais que c’était quand même incroyable cette histoire…

Elle : Le pire, c’est que tu pourrais le faire avec autre chose que des livres… A la banque, par exemple… (Imitant la voix de son époux) Oui, bonjour, je viens déposer de l’argent liquide ? (Imitant la voix d’une inconnue) Ah, mais c’est fermé ! Vous voulez que je le dépose pour vous ? (Imitant à nouveau la voix de son époux, mais avec un accent d’idiot) Bah oui, bien sûr, c’est si gentil !
Lui (riant) : Bah, non, quand même pas ! Je ne suis pas si con…
Elle (plisse sa bouche, lève les yeux au ciel) : …

1 Comments:

Anonymous Ton opposé said...

T'es mon héros !!!

01 septembre, 2011  

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